L’Avenir Social est l’association de solidarité de la CGT.
Elle a été fondée en 1906 par Madeleine Vernet.
A l’origine c’est un orphelinat, les anciens connaissent certainement le timbre du Nid.

Orphelinat Ouvrier " L'AVENIR SOCIAL"


à Epône (S.-et-O.) - Madeleine VERNET

En 1988 les activités en direction des enfants sont arrêtées.
Depuis l’Avenir Social diversifie ses solidarités en France (AZF, inondations, etc.) et à l’international (écoles au Sénégal, déluge en Haïti, etc.)




Le château d'Orgemont

La maison d'enfants de L'Avenir Social n'est pas qu'un simple lieu abandonné. C'est aussi l'histoire d'une utopie détruite, et d'enfants (re)-sacrifiés. Ce triple gâchis se ressent assez vite sur le site, et toute la visite est teintée d'une atmosphère triste et pesante. Orgemont, dans l'Essonne. La bourgade n'est même pas une ville, juste un lieu-dit. Elle a néanmoins un château, une grande demeure datant du XVIIIème siècle. De propriétaire en propriétaire, le domaine arrive dans les années 60 aux mains de l'église protestante, comme centre de théologie. À cette époque, il se compose de ce qu'on appelle le "Château d'Orgemont", d'une grande maison plus modeste juste à coté, et de dépendances.: une chapelle, un petit bâtiment donnant sur la rue, une petite serre... Et, bien sûr, le parc gigantesque. Le château a finalement peu changé, seules les annexes ont été détruites. On aperçoit la chapelle à côté.

Le château a finalement peu changé, seules les annexes ont été détruites. On aperçoit la chapelle à côté

La grande maison, juste à l'est du château, côté parc. Déjà présente sur le domaine dans les années 40, son origine et son usage premier ne sont pas connus. Notons que le lit de mousse devant la serre est en fait une ancienne route goudronnée...

La chapelle, elle, a été en partie annexée.; son entrée principale est cachée derrière les ronces et les buissons.

Dans un autre lieu et un autre temps, L'avenir Social. En 1906, à Courrières, (Pas-de-Calais), un coup de grisou tue plus de mille mineurs, dont 200 enfants, et en laisse bien plus orphelins. Si cette catastrophe aura de grandes conséquences sociales et débouchera sur quelques avancées dans le droit du travail, elle aura aussi des suites plus locale.: à Neuilly-Plaisance (Seine-et-Oise, plus tard en Seine-Saint-Denis), Madeleine Vernet, éducatrice et militante anarchiste, révoltée, crée "L'avenir Social" et son nid, un refuge pour les orphelins.

MOISSONS FUTURES

L'idée est de les faire grandir, et pas de les exploiter au travail comme il est courant à l'époque. Jusque sa fin, L'avenir Social subira trois courants.: d'une part, l'association s'agrandira régulièrement et devra donc déménager plusieurs fois.; d'autre part, ces évolutions demanderont de plus en plus de financement, entraînant la participation d'associations, de syndicats, dont la CGTU (future CGT).; enfin, mécaniquement, ces associations prendront peu à peu le contrôle, évinçant Madeleine Vernet. Le prospectus créé par la CGT pour solliciter les dons, afin de permettre au foyer de quitter l'ancien ''nid'' devenu trop petit et vétuste.

L'ANENIR SOCIAL - Le Nid

L'usage exact du domaine à l'époque de l'église protestante un centre de théologie n'est pas connu. Le château et sa maison ne sont plus aujourd'hui que de grandes salles vides, salles d'activités ou de conférences, sans que l'on sache quand ces transformations ont été effectuées. Seule modification certaine, années 60 oblige, un court de tennis a été rajouté à l'est du domaine.

Timbre Le NidÀ la même époque, la CGT, qui contrôle entièrement l'association L'avenir Social, cherche un nouveau domaine pour le foyer, trop à l'étroit dans sa maison délabrée de la Villette-aux-Aulnes. Le syndicat édite des tracts et monte des maquettes pour convaincre ses militants de faire des dons pour cette cause. En 1969, la CGT rachète le domaine d'Orgemont. Lors de l'assemblée générale de décembre, un budget initial de 500 millions d'anciens francs est voté pour la construction d'un site pouvant accueillir 72 lits. Le budget sera dépassé, atteignant plus d'un milliard (plus d'1,5 millions d'euros). Les emblématiques bâtiments de béton voient le jour, à l'est du site, et divers aménagements sont réalisés
.: parking, préfabriqués administratifs, terrains de tennis à l'ouest.; dans le parc, enclos et parc animalier accueillent poneys et biches. L'usage du château et de ses dépendances devient un peu flou.; sans doute des salles d'activité pour les enfants, au vu des aménagements et des rares traces qui subsistent. Le centre ouvre enfin en juin 1976.

Le centre ouvre en juin 1976

Les parcelles cultivées de l'ouest ont été sacrifiées pour faire un parking, des préfabriqués, et des terrains de sport. Au centre, d'ouest en est, la chapelle, le château et la grande maison restent présents, mais les intérieurs sont remaniés en salles d'activité, et l'allée est-ouest est goudronnée. C'est évidemment à l'est que le changement est flagrant, avec l'apparition des bâtiments de béton. Vers l'est, on voit la serre et la grande. maison, ainsi que les bâtiments neufs dans le fond, et des voitures qui ne laissent aucun doute sur l'époque.

On voit la serre et la grande. maison, ainsi que les bâtiments neufs dans le fond.. Et des voitures qui ne laissent aucun doute sur l'époque

Les fameux bâtiments en béton ne sont pas que de simples blocs posés là au hasard.: la notion d'indépendance est pensée.: un grand réfectoire permet de manger sur place, mais on peut très bien décider d'emmener son repas sur un chariot, emprunter une allée couverte, et rejoindre les bâtiments des chambres.

Sur place, une cuisine permettait de réchauffer son plat, ou de le préparer soi-même. Les chambres, individuelles, possèdent des WC et une douche, ce qui à l'époque était un luxe pour les enfants vivant là. D'après les témoignages obtenus, la vie sur place était très agréable comparée aux conditions de vie de l'ancien site de L'Avenir Social (Villette-aux-Aulnes), où les enfants dormaient dans des dortoirs de 10 à 15 lits et se lavaient dans de grandes pièces collectives.

Une cuisine permettait de réchauffer son plat, ou de le préparer soi-même

Les chambres, individuelles, possèdent des WC et une douche

Outre les chambres, le centre nécessitait la logistique pour gérer la vie pratique des enfants d'où une cuisine industrielle et une laverie aux machines démesurées.

Une laverie aux machines démesurées

Les choses commencent à s'envenimer en 1987 lorsque la CGT (à qui appartient le lieu) entre en conflit avec le personnel travaillant sur place (à majorité CFDT). Les éducateurs reprochent au syndicat de faire du prosélytisme, tandis que ce dernier les blâme de s'être éloignés du concept d'origine du nid. Le foyer accueille en effet des enfants de la DDAS, et plus seulement des enfants d'ouvriers. Cela lui confère en outre une certaine indépendance financière vis-à-vis du syndicat, ce qui est mal vu. Une grève éclate le 5 janvier 1988. La CGT utilise alors des méthodes d'intimidation pour briser le mouvement.: pneus crevés, accès au site restreints. Coupés du monde, la trentaine de personnes doit se retrancher dans les locaux du personnel, dont on peut aujourd'hui encore voir l'escalier métallique en colimaçon.

On peut aujourd'hui encore voir l'escalier métallique en colimaçon

Le 13 janvier 1988, à quatre heures du matin, le service d'ordre de la CGT attaque le site et met tout le monde dehors sans ménagement, y compris les enfants. On leur jette des sacs poubelle en leur demandant de prendre leurs affaires et quitter les lieux. La séparation est brutale. Certains enfants vont en pleurs chez les gendarmes, d'autres sont placés à la DDASS, quelques-uns s'enfuient à moto. En une nuit, le travail de plusieurs années est brisé. Le même jour, alertée par diverses instances, la préfecture de l'Essonne prend une mesure conservatoire immédiate.: "Arrêté n du 13 janvier 1988.: Considérant l'urgence motivée par des conditions de fonctionnement qui compromettent la santé, la moralité, et l'éducation des mineurs accueillis, vu les informations communiquées par les services du Conseil Général, sur le rapport de la Direction Départementale des Affaires Sanitaires et Sociales, sur proposition du secrétaire général de la préfecture de l'Essonne : la fermeture de la Maison des Enfants de Travailleurs sise au Château D'Orgemont à Cerny, gérée par L'Avenir Social, est prononcée à titre provisoire."

Le Nid d'Orgemont ne rouvrira jamais.

Depuis cette époque, une chape de plomb pèse sur le lieu. Les anciens de L'Avenir Social ont beaucoup de mal à récupérer leurs dossiers de l'époque, la CGT ne voulant pas revenir sur cette histoire dérangeante. Les anciens éducateurs ne souhaitent pas non plus raviver ces souvenirs douloureux. Quant au grand public, seule une dépêche AFP lapidaire et un article du Monde évoquent cette mise à la porte, sans répercussion...

Depuis plus de vingt ans, le site, à l'abandon, se dégrade.

Depuis plus de vingt ans, le site, à l'abandon, se dégrade

Pendant vingt ans, le site, à l'abandon, se dégrade

Pendant vingt ans, le site, à l'abandon, se dégrade

Depuis plus de vingt ans, le site, à l'abandon, se dégrade


Depuis plus de vingt ans, le site, à l'abandon, se dégrade


En 2007, un projet de réhabilitation voit le jour, pour le transformer en résidence fermée très haut de gamme. L'utopie sociale, sacrifiée, est en phase de devenir une utopie pour riches... Une période de nettoyage voit disparaître la plupart des traces de vie encore sur place (cuisines, machines à laver, objets de tous les jours) mais le projet ne va pas plus loin. Trop coûteux.? Le site retourne alors dans sa torpeur à peine dérangée, tandis que les rires d'enfants ont été remplacés par le vent glacé...


D'autres photos :
https://www.facebook.com/pg/Avenir-social-orgemont-169038996530712/photos/?ref=page_internal

http://www.glauqueland.com/pneu/



Conflits syndicaux dans une maison pour enfants en difficulté.
L'Avenir social mis en cause par la CGT.

(Article Le Monde paru le 24.01.88) - Depuis une semaine, la maison d'enfants du hameau d'Orgemont (Essonne), qui accueillait des enfants en difficulté, est gardée vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Les fidèles militants de la CGT, munis de talkies-walkies, patrouillent sur les lieux depuis le 13 janvier, chargés de "mettre l'établissement sous bonne garde". La maison d'enfants, gérée par le syndicat, serait-elle menacée.? "La semaine dernière, cet établissement était occupé par des membres du personnel en grève, répond M. Pierre Blanchard, directeur de l'association L'Avenir social, qui gère l'établissement. Pour que la direction puisse assurer ses responsabilités, il lui fallait absolument reprendre ces locaux. Les choses ont été bien menées, et les grévistes ont quitté les bâtiments. Nous restons maintenant aux alentours, afin de les protéger."

M. Pierre Blanchard reste malgré tout peu disert sur les circonstances exactes de ce "départ volontaire". " Il n'y a eu ni bousculade, ni voies de fait, ni affrontements. "Le récit des trente et un membres du personnel en grève depuis le 5 janvier 1988 est bien différent. Réfugiés dans un local de la CFDT, à la maison des syndicats d'Evry (Essonne), ils parlent de manches de pioche, de battes de base-ball et de barres de fer. "Aux alentours de midi, le 13 janvier, une trentaine de membres du service d'ordre de la CGT se sont postés aux abords de la maison et dans les locaux, et se sont mis à filtrer les entrées, racontent-ils. Nous étions cernés et très inquiets. Ils sont restés là tout l'après-midi et toute la soirée, avant de donner violemment l'assaut à 4 heures du matin. Toutes les portes ont sauté en même temps, et nous avons été plaqués contre les murs. Ensuite, ils nous ont contrôlés et délogés de force".

Alertée, la préfecture du département de l'Essonne ordonne alors la fermeture provisoire de cet établissement, rongé depuis près de deux ans par un conflit sans issue. L'Avenir social, fondé en 1906 par une jeune institutrice engagée dans le mouvement ouvrier, créé au début du siècle, est un héritage de la CGT unitaire du début du siècle. Son conseil d'administration, qui compte cinquante-trois membres, comprend aujourd'hui quarante-trois représentants de la CGT. L'établissement, dirigé par deux militants de ce syndicat, M. Jean Cintas et Alain Prat, depuis 1980, a vécu en paix jusqu'à l'année dernière. "J'étais un peu le directeur "politique" de la maison, raconte M. Jean Cintas. En février 1980, le conseil d'administration m'avait demandé de redresser l'établissement, qui était dans un piteux état, tout en conservant l'esprit CGT de l'institution. J'ai accepté. J'ai remis le navire à flot, élaboré un projet pédagogique avec les éducateurs.
Cette maison, qui n'accueillait que des enfants issus du canal syndical, a pu ouvrir ses portes à des enfants en difficulté, placés par les directions départementales des affaires sanitaires et sociales (DDASS). L'établissement recevait dès lors des prix de journée des DDASS et dépendait de moins en moins des dons ou des cotisations de la CGT. Mais, peu à peu, au contact des enfants, j'ai refusé de développer l'esprit CGT. Les enfants n'ignoraient pas l'identité de la maison, et je favorisais les échanges avec les stagiaires de l'école de formation syndicale toute proche. Mais je ne voulais pas aller plus loin. Finalement, je n'étais pas le "politique" qu'ils avaient espéré."

Perte de confiance

Cet esprit d'indépendance ne plaît guère au conseil d'administration, qui multiplie les rappels à l'ordre. M. Jean Cintas, accusé d'"antisyndicalisme" tient bon. Il est licencié le 13 février 1987. Motif officiel : "Perte de confiance". Il ne sera pas remplacé.

Les éducateurs, soutenus par le directeur pédagogique, M. Alain Prat, tentent malgré tout de maintenir le statu quo. Mais les pressions reprennent de plus belle. Dans une lettre du 9 mars 1987 le conseil d'administration, qui rappelle que "L'Avenir social est un maillon de la chaîne de solidarité voulu et organisé par la CGT au service de ses adhérents et des familles de salariés victimes du système d'exploitation", demande au personnel d'"examiner comment, avec les familles et les enfants être partie prenante de la grande manifestation du 22 mars 1987 à Paris pour la défense de la sécurité sociale".

Lassé par ce harcèlement sans fin, M. Alain Prat, dessaisi peu à peu de la plupart de ses responsabilités, démissionne en novembre 1987. Une équipe d'"experts", mandatée par le conseil d'administration, débarque alors à Orgemont, afin d'analyser la situation. Au fil des mois, les relations avec le personnel, envenimées par le problème des sous-effectifs puis par de nouveaux désaccords, se dégradent.

Travail en miettes

Le 5 janvier 1988, trente et un des trente-huit membres du personnel se mettent en grève. "L'Avenir social est le bien commun des syndiqués de la CGT, se défend le président de l'association, M. Pierre Blanchard, qui reconnaît avoir peu de fautes professionnelles à reprocher aux éducateurs. Il colle à la peau des syndiqués.: ils ont jugé que notre identité était en danger, et ils ont réagi." Cette "identité" aura coûté sa place au directeur de l'établissement. Sa place, et bien plus encore. Cet ancien mineur de charbon, dont les cinq frères se sont battus au sein de la Résistance, avait trente-huit ans de syndicalisme derrière lui. "Je suis amer, soupire-t-il, je suis issu d'une famille à l'enracinement syndical très fort, et nous sommes tous sortis très éprouvés de cette histoire. Si ce n'était pas moi, je pense que mes frères ne me croiraient pas. J'ai été mis en cause dans l'Humanité et dans des tracts de la CGT, et mes anciens amis du syndicat n'ont plus aucun contact avec moi. Pour eux, je suis un traître.; et je les comprends. Il y a dix ans, j'aurais sans doute réagi comme eux pour ne pas mettre en cause le mouvement syndical.; je me serais trouvé des prétextes."

Aujourd'hui, les cinquante-sept enfants de l'établissement sont dispersés ici et là.: certains ont rejoint leur famille, d'autres ont été précipitamment placés dans des foyers de la DDASS ou dans une famille d'accueil provisoire. "Ils étaient en rupture de tout lorsqu'ils sont arrivés à Orgemont, explique M. Jean-Luc Colombanni, un des éducateurs, mais nous avions fini par les remettre sur pied. Aujourd'hui, ils sont tous séparés, et certains ont quitté le département. Leur scolarité a été brutalement interrompue. Quelle que soit l'issue du conflit, le travail de plusieurs années est en miettes."


Carte syndicale CGT 1975



Sourrce : https://www.facebook.com/Avenir-social-orgemont-169038996530712/


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